Bientôt des robots vraiment autonomes
L’ERC Starting Grant que vous venez d’obtenir va financer le projet Artifact, »la fabrique du mouvement artificiel », destiné à repousser les limites actuelles de la robotique. Quelles sont-elles pour le moment ?
Aujourd’hui, les systèmes robotiques fonctionnent très bien dans les usines, car ce sont des environnements très contrôlés, où les robots sont amenés à toujours exécuter la même tâche. Mais faire interagir ces robots avec des humains ou des environnements complexes reste impossible, car ils ont des difficultés à percevoir, interpréter et s’adapter à leur environnement ou encore à enchaîner des tâches différentes.
Un obstacle dû aux limites de leur programmation : celle-ci repose en effet sur une forte hiérarchisation dans le processus de prises de décisions. L’information envoyée par le module visuel aux modules de planification et de commande, est souvent circonscrite à un certain contexte pour exécuter une certaine tâche. Il est très difficile de l’adapter en fonction des variations de l’environnement, ce qui limite la flexibilité et l’agilité des robots. Les robots actuels ne sont pas non plus capables d’apprendre de leurs expériences passées et de s’en servir pour s’adapter à de nouvelles situations.
Comment votre projet va-t-il surmonter ces obstacles ?
Pour rendre les robots réellement autonomes, dextres et agiles, nous nous appuierons sur la combinaison de la théorie du contrôle optimalque nous adaptons au contexte singulier de la robotique, et de l’apprentissage profond, avec l’exploitation des briques technologiques existantes pour permettre aux robots de percevoir pleinement et de comprendre leur environnement.
Notre objectif : mettre au point un logiciel qui puisse être adapté à n’importe quel robot, et qui combine la perception accumulée de l’environnement, la prise de décision rapide et l’apprentissage machine. En d’autres termes, nous voulons établir les fondements algorithmiques d’une véritable intelligence artificielle du mouvement.
Quelles sont les forces dont vous disposez pour relever ce défi ?
La bourse ERC Starting Grant d’un montant de 1,5 million d’euros va nous permettre de recruter une petite dizaine de doctorants, postdoctorants et ingénieurs au cours des cinq ans du projet, qui devraient débuter courant 2025. Nous allons également nous appuyer sur l’expertise reconnue de l’équipe-projet commune Willow, dont les outils open source comme Pinocchio sont déjà utilisés pour la modélisation de nombreux robots à travers le monde. Pour augmenter encore notre force de frappe face à l’ampleur du défi, nous créons actuellement un consortium logiciel open source, afin de valoriser directement nos avancées scientifiques et techniques auprès des différents acteurs académiques et industriels.
Nous disposons également d’une plate-forme robotique qui nous permettra d’expérimenter et de tester notre logiciel sur une grande gamme de robots (quadrupèdes, mains dextres, humanoïdes…). Enfin, nous profiterons des questionnements qui émergent au sein du projet européen Agimus, auquel je participe également, et qui vise à rendre les robots plus polyvalents dans les environnements industriels.
Quel impact sur la société ce futur logiciel pourrait-il avoir ?
Le logiciel que nous développons au sein d’Artifact sera en open source et pourra donc servir à tous les fabricants de robots, avec des débouchés aussi bien dans les secteurs médicaux, économiques qu’industriels. Il permettra d’envisager des robots autonomes à l’hôpital, à domicile… n’importe où en fait ! Les robots sortiront enfin des environnements contrôlés pour interagir pleinement avec l’humain.
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